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Crime en apesanteur, quel droit s’applique dans l’ISS ?

Placée en orbite autour de la Terre à environ 400 kilomètres d'altitude au sein de la thermosphère, la station spatiale internationale (ISS) n’en est pas pour autant une zone de non-droit. Découvrez quelle loi s'applique dans l'ISS.

L’accord multilatéral sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile

Avec des astronautes de plusieurs nationalités qui se déplacent dans des modules et utilisent des équipements appartenant à différents États, il est apparu nécessaire d’encadrer juridiquement les éventuels dommages subis et les infractions commises dans l’ISS.

Sans créer un droit spatial particulier, les États qui participent au projet (Canada, États membres de l'Agence spatiale européenne, Japon, Russie et États-Unis d'Amérique) ont signé le 29 janvier 1998 à Washington, un accord multilatéral sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile. Cet accord, publié en France par le décret n° 2005-1498 du 29 novembre 2005, encadre les activités réalisées dans l’ISS et prévoit les modalités d’application des droits nationaux de chacun des États parties.

Une mosaïque de droits nationaux

Dans l'ISS, chaque État conserve le contrôle et la compétence juridictionnelle sur :

  • les éléments de vol qu'il immatricule, parmi lesquels les modules de la station spatiale,
  • les équipements installés dans l’ISS que l'État fournit et finance,
  • les personnels qui sont ses ressortissants.

Selon le lieu, les équipements et les astronautes concernés par un fait, le droit applicable dans l'ISS sera donc différent. 

Par exemple, si un incident intervient dans le module japonais Kibo, le droit japonais s'appliquera.


À noter : l’article 16 prévoit une renonciation mutuelle au recours en matière de responsabilité de la part des États partenaires. Cette renonciation est mise en place afin « d'encourager la participation à l'exploration, à l'exploitation et à l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique au moyen de la Station spatiale ».

Ainsi, si un astronaute est blessé ou qu’un équipement est endommagé lors d’une opération spatiale protégée, comme la conception et l’utilisation de lanceurs ou de véhicules de transfert, ou des activités de pilotage et de simulation, les États se sont engagés à ne pas demander la réparation du ou des dommage(s), et ce, quelle qu’en soit la base juridique.


Cette renonciation au recours ne s’applique toutefois pas en cas de faute intentionnelle comme la dégradation volontaire d'un équipement de la station spatiale, la blessure délibérée d'un astronaute, voire son assassinat.

Que se passe-t-il en cas d’infraction pénale dans l'ISS ?

L’article 22 de l'accord multilatéral sur l'ISS prévoit que les États partenaires exercent leur juridiction pénale sur les personnels qui sont leurs ressortissants.

Si Thomas Pesquet commet une infraction pénale à bord de l’ISS, les juridictions françaises seront donc compétentes pour le juger. Au contraire, si Katherine Megan McArthur est l’auteure d’un crime ou d’un délit, elle sera jugée devant les juridictions américaines. 

Cette règle permet notamment d'éviter que les astronautes ne soient condamnés à une peine beaucoup lourde que celle applicable dans leur pays. Or, pour rappel, parmi les États partenaires, les États-Unis et le Japon pratiquent encore la peine de mort. 

Ce principe, selon lequel le droit applicable est le droit national du pays dont l'astronaute est le ressortissant, peut toutefois être remis en cause. 

  1. Les États lésés par la commission de l’infraction, à savoir l’État dont la victime est ressortissante, ou l’État dont un équipement a été endommagé, ou qui est propriétaire du module dans lequel a eu lieu le crime, peuvent demander à être consultés par l’État dont le ressortissant est l’auteur, « au sujet de leurs intérêts respectifs en matière de poursuites ».
  2. À l’issue de cette consultation et dans un délai de 90 jours après celle-ci, l’État lésé peut décider d’exercer la juridiction pénale si l’État partenaire dont l’auteur est le ressortissant donne son accord à cet exercice, ou s'il ne donne pas des garanties suffisantes quant à l'exercice de poursuites par ses autorités compétentes. 

Exemple : un astronaute français blesse volontairement un astronaute japonais dans un des modules russes. Normalement, le droit français s'applique. Cependant, le Japon et la Russie peuvent interroger la France sur les suites judiciaires qui seront données à cette infraction pénale. Si, à l'issue de cette consultation et après un délai de 90 jours, les autorités françaises ne fournissent pas assez de garanties quant à l'exercice de poursuites, le Japon ou la Russie pourront décider de poursuivre l'astronaute français. 


Bon à savoir : jusqu’à présent, aucune infraction n’a été commise à bord de l’ISS.

Emmanuelle Rouquette - Rédactrice juridique

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