Loi immigration : un texte largement censuré
35 : c’est le nombre d’articles que le Conseil constitutionnel a, partiellement ou totalement, censuré dans sa décision du 25 janvier 2024.
Alors qu'elle comprenait 86 articles, la loi sur l’immigration est ainsi dépouillée de plus du tiers de son contenu.
Une censure majoritairement liée aux « cavaliers législatifs »
Sont considérés comme des "cavaliers législatifs", et à ce titre sont contraires à l’article 45 de la Constitution du 4 octobre 1958, les amendements qui n’ont pas un lien, même indirect, avec le projet de loi initial déposé au Parlement. Pour rappel, le projet de loi initial comprenait 27 articles et avait pour objet de mieux contrôler l'immigration et d'améliorer l'intégration des étrangers en France.
Le Conseil constitutionnel a donc écarté les amendements qui avaient été ajoutés lors des débats parlementaires et qui ne rentraient pas dans le périmètre du texte. C'est ainsi qu'il a censuré :
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Les articles qui durcissaient les conditions du regroupement familial, ainsi que celles de délivrance d’un titre de séjour pour des motifs de santé ou pour les étudiants étrangers.
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L'article 17 de la loi immigration qui prévoyait une amende de 3 750 € pour les étrangers se trouvant en situation irrégulière en France.
Enfin, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions relatives aux prestations sociales qui imposaient aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne une condition de résidence en France d’au moins 5 ans, étaient également des "cavaliers législatifs" et, à ce titre, étaient contraires à la Constitution.
À noter : Les "cavaliers législatifs" sont censurés pour des raisons de forme, à savoir l'absence de lien avec le texte initial du projet de loi. Ils pourraient donc être intégrés dans de nouveaux textes et être validés.
Peu d’articles de la loi immigration censurés sur le fond
À la différence des "cavaliers législatifs" qui ont été censurés pour des raisons de forme, 3 articles ont été écartés pour des motifs de fond. C'est le cas notamment :
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De la fixation de quotas migratoires par le Parlement : selon le Conseil constitutionnel, aucune disposition constitutionnelle ne permet au législateur d’imposer au Parlement la fixation d’objectifs chiffrés en matière d’immigration. Il appartient au Gouvernement ou à l'une des assemblées de fixer l'ordre du jour des séances parlementaires selon l'article 48 de la Constitution. La loi ne peut pas obliger le Parlement à statuer sur un sujet, au risque de contrevenir au principe de la séparation des pouvoirs.
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Du relevé d’empreintes digitales et de la prise de photographie d’un étranger sans son consentement, lors d’un contrôle aux frontières extérieures ou dans le cadre d’un placement en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Le Conseil constitutionnel relève en effet que ces opérations ne sont pas soumises à l’autorisation d’un magistrat ni subordonnées à la démonstration qu’elles sont l’unique moyen d’identifier la personne.
À côté des 35 articles censurés, 2 articles ont été assortis de réserves d’interprétation de la part du Conseil constitutionnel. Ces derniers font donc partie de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration qui a été publiée au Journal officiel du 27 janvier 2024.
Les nouvelles mesures instaurées par la loi immigration
Parmi les mesures qui n'ont pas été censurées par le Conseil constitutionnel figurent notamment :
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La création d'un fichier des mineurs délinquants isolés (article 39 de la loi immigration) ;
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L'obligation de signer, pour tous les étrangers demandant un titre de séjour, un « Contrat d’engagement au respect des principes de la République » dans lequel il s’engage à « respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers » (article 46 de la loi immigration) ;
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La généralisation du juge unique pour les jugements rendus par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ;
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La création d'une nouvelle procédure de régularisation pour les métiers en tension : celle-ci sera expérimentée jusqu’à fin 2026. Elle permettra la délivrance de la carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié » par les préfets. Cette carte s'adressera aux travailleurs sans papiers exerçant dans des métiers en tension, qui justifient de 12 mois d'activité professionnelle au cours des 24 derniers mois, d’une résidence d'au moins 3 ans en France et de leur intégration au sein de la société française.
Article rédigé par Emmanuelle Rouquette - Rédactrice juridique
Publié le 25 janvier 2024 - Mis à jour le 27 janvier 2024